Quelques unes des images qui ont marqué l'actualité migratoire ces 10 dernières années.
Quelques unes des images qui ont marqué l'actualité migratoire ces 10 dernières années.

Le corps d'un enfant échoué sur une plage, une capitaine de navire aux dreadlocks mondialement célèbres ou encore des milliers de migrants secourus en mer... La décennie 2010 a été fortement marquée par les images chocs de la crise migratoire de 2015-2016.

1/ Alan Kurdi, le symbole

Un officier de police turc porte le corps sans vie dun enfant syrien de trois ans chou sur une plage de Bodrum dans le sud de la Turquie le 2 septembre 2015 STR Dogan news agency AFPC’est un cliché qui pourrait résumer à lui tout seul la récente crise migratoire dont le pic a été atteint en 2015 et 2016 : le corps sans vie d’un garçonnet de trois ans échoué sur une plage de Bodrum en Turquie. Le drame a été immortalisé par le journaliste turc Nilufer Demir, de l’agence de presse Dogan.

Le petit Syrien a perdu la vie dans la nuit du 2 septembre 2015, lors du naufrage de son embarcation pneumatique, aux côtés de sa mère et de son frère de cinq ans. Fuyant les combats à Kobané dans le nord de la Syrie, ils essayaient de se rendre en Europe depuis la Turquie, en passant notamment par l'île grecque de Kos. Le père réussira à s’en sortir en rejoignant le rivage turc à la nage. Il fait partie des 15 survivants de ce naufrage. Au total, douze Syriens, dont cinq enfants, ont péri.

Plus récemment, en juin 2019, une autre photo du même acabit a de nouveau créé une onde de choc : celle des corps à moitié immergés d’un père salvadorien et de sa fille de deux ans qui tentaient de gagner les États-Unis en traversant le fleuve Rio Grande.

2/ Les larmes de soulagement d’une famille syrienne

Prise par le photographe allemand Daniel Etter dans le cadre d’un reportage pour le New York Times, la photo d'un réfugié syrien en pleurs, serrant contre lui sa fille et son fils alors qu'ils arrivent en Grèce, avait fait, elle aussi, le tour du monde à la fin de l’été 2015.

Le père et sa famille composée de quatre enfants avait traversé la mer en provenance de la station balnéaire turque de Bodrum sur un fragile bateau en caoutchouc surchargé avec une quinzaine d'hommes, de femmes et d’enfants", avait alors indiqué le New York Times.

Depuis, la famille s’est installée en Allemagne où elle a reçu le statut de réfugié afin de commencer une nouvelle vie.

3/ Le démantèlement de la “Jungle de Calais”

Image du dmantlement de la Jungle de Calais en 2016 Crdit  Mehdi Chebil  InfoMigrantsUn ballet de pelleteuses et des autocars remplis de migrants délogés du plus grand bidonville de France : les images du démantèlement de la "jungle" de Calais ont fait le tour du monde en octobre 2016. En trois jours : 7 400 personnes, dont plus de 1950 mineurs, avaient été transférées vers 301 centres d'accueil et d'orientation (CAO) disséminés partout en France.

Plus de trois ans plus tard, on constate toujours la présence de plusieurs centaines de migrants dans ce secteur. Ils sont généralement installés par petits groupes sous des tentes au bord des routes et des autoroutes, dans l’espoir de réussir à sauter dans un camion pour rejoindre l’Angleterre. De plus en plus de migrants tentent également de traverser la Manche dans des embarcations de fortune, malgré la dangerosité du périple.

Vaste de plus de 20 hectares, l’ancienne "jungle" a été reconvertie en site écologique.

Image d'archive de l'ancienne jungle de Calais. Crédit : Mehdi Chebil

4/ La mer Méditerranée, un vaste cimetière

Des migrants tentent de se maintenir hors de leau aprs le naufrage de leur embarcation de fortune en Mditerrane Crdit  ReutersL’actualité migratoire de la décennie, c’est aussi les naufrages en Méditerranée et les opérations de sauvetage menées par des navires humanitaires.

Ce cliché de plusieurs migrants tentant de rester à flot après le naufrage de leur embarcation de fortune a particulièrement marqué les esprits. Il a été pris le 14 avril 2017 par le photographe Darrin Zammit Lupi pour l’agence Reuters, lors d’une opération de sauvetage du navire de l’ONG maltaise Migrant Offshore Aid Station (MOAS), au large des côtes libyennes.

Depuis 2014, plus de 19 000 migrants ont péri en mer Méditerranée, selon l'Organisation internationale des migrations (OIM). 

Un migrant mort en Méditerranée, dont le corps a été rejeté par la mer. Crédit : Reuters

5/ Scènes d’esclavage moderne dans l'enfer libyen

En novembre 2017, des journalistes de la chaîne américaine CNN parvenaient à filmer en caméra cachée une vente de migrants africains en Libye. Un témoignage rare qui provoqua l’indignation de la société civile mais aussi des dirigeants du monde entier.

Quelques mois auparavant, plusieurs migrants avait déjà contacté la rédaction d’InfoMigrants, mentionnant ces marchés aux esclaves, notamment dans la ville de Sabha, dans le centre du pays.

Aucun d’entre eux n’avait pu, à l’époque, filmer ces ventes, les téléphones portables étant confisqués par les trafiquants la plupart du temps. "Si on nous surprend à filmer, on nous tuera", avait confié à InfoMigrants un migrant soudanais recueilli sur l’Aquarius, l'ancien bateau humanitaire de SOS Méditerranée et de Médecins sans frontières, en Méditerranée, en mai 2017. L’homme avait juré avoir été vendu contre une centaine de dollars par des passeurs en Libye avant de réussir à s’enfuir. "Un jour, pendant une vente, un homme à côté de moi a été abattu d’une balle dans la tête. L’acheteur voulait tester un revolver qu’il voulait acheter".

Depuis, notre rédaction a reçu de nombreux témoignages du même genre, dont celui de Mariam, 16 ans, esclave sexuelle en Libye durant des mois.

6/ Débarquements au milieu des touristes sur les plages espagnoles

Capture dcran de la vido amateur du dbarquement de dizaines de migrants sur une plage touristique en Espagne en 2017 Un après-midi d’août 2017, des dizaines de migrants débarquaient sur une plage de Cadix, en Espagne, sous les yeux de nombreux touristes. Quittant une petite embarcation sombre, ils se sont précipités sur le rivage avant de prendre la fuite, de peur d’être arrêtés par la police.

Filmée par un amateur, la vidéo sera visionnée des millions de fois à travers le monde. L’Espagne devint, cette année-là, la première porte d’entrée des migrants en Europe.

Plus récemment, une autre vidéo du même genre a été très largement partagée sur la Toile : celle de 24 migrants, dont trois mineurs et une femme enceinte, débarquant sur une plage des îles Canaries fin novembre 2019, toujours en Espagne. Tandis que les migrants semblaient transis de froid et sous le choc après une longue traversée, les baigneurs leur sont venus en aide en leur donnant à boire et en les recouvrant de couvertures. La Croix-rouge est rapidement arrivée sur les lieux, leur apportant nourriture et couvertures de survie.

7/ L’Europe, une forteresse faite de frontières et de barbelés

Comme ces deux jeunes hommes de nombreux migrants tentent chaque anne dentrer en Espagne via la petite enclave de Ceuta situ au Maroc Crdit  ReutersDepuis le pic de la crise migratoire en 2015 et 2016, de nombreux pays ont rétabli des frontières physiques au sein de l’Union européenne et y ont intensifié les contrôles, faisant de l’Europe une véritable forteresse pour les candidats à l’exil. C’est notamment le cas des pays se trouvant sur la route des Balkans comme la Hongrie, la Slovénie ou encore la Croatie.

Selon plusieurs ONG internationales et de nombreux témoignages de migrants, Zagreb n’hésite pas à repousser ceux qui tenteraient d’entrer illégalement en Croatie, membre de l’Union européenne, usant de violences policières et empêchant, du même coup, les migrants de demander l’asile à l’Europe.

La frontire entre la Croatie et la Slovnie a connu 14 000 tentatives de passages par des migrants clandestins en 2019 selon le gouvernement slovne Crdit  Dana Alboz  InfoMigrantsDes milliers de migrants se trouvent ainsi bloqués aux portes de l’Europe et notamment dans les forêts ou les camps de fortune du nord de la Bosnie où les conditions de vie sont “inhumaines et honteuses”, a récemment rapporté la commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic.

8/ Rohingas : des centaines de milliers de réfugiés

Des rfugis rohingyas tendent les bras pour recevoir de laide humanitaire dans le gigantesque camp de Balukhali au Bangladesh en 2017 Crdit  Reuters Des réfugiés rohingyas tendent la main pour recevoir de l'aide distribuée par des organisations locales au camp de réfugiés de fortune de Balukhali à Cox's Bazar, au Bangladesh, le 14 septembre 2017. Au 15 septembre, cette année, on y dénombrait plus de 610 000 réfugiés, soit le plus grand camp au monde. Les images de misères, comme celle-ci capturée par un photographe de Reuters, ont fait le tour du monde à plusieurs reprises.

Bien qu’elle ne concerne pas directement l’Europe, la crise des réfugiés rohingyas fuyant les persécutions des musulmans en Birmanie figure parmi les plus importantes de la décennie. Le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) de l’ONU estime que plus de 723 000 Rohingya sont arrivés au Bangladesh depuis le 25 août 2017.

9/ L’émergence des navires humanitaires au large de la Libye

LAquarius affrt par SOS Mditerrane et Mdecins sans Frontires entre fvrier 2016 et dcembre 2018 a secouru 30 000 migrants en mer Mditerrane avant dtre immobilis pour des raisons politiques et judiciaires et remplac en juillet 2019 par un nouveau navire lOcean Viking Crdit  Picture AllianceL'Aquarius, le Sea Watch III, l'Alan Kurdi, l'Open Arms ou encore le Mare Jonio et plus récemment l'Ocean Viking : ces dernières années, plusieurs ONG d'aide aux migrants ont affrété des navires afin d'aller secourir les migrants en détresse qui fuient l'enfer libyen à bord d'embarcations de fortune.

Bien que leur action ait permis de sauver des milliers de vies en Méditerranée, ces ONG se sont également heurtées aux réticences de certains gouvernements européens les accusant de provoquer un "appel d’air". Face à l’afflux de migrants, l’Italie a même fermé ses ports sous le gouvernement conservateur de son ancien ministre de l’Intérieur Matteo Salvini, avant d’assouplir de nouveau les règles après son départ à l’été 2019.

Plusieurs capitaines ont fait et font toujours face à la justice en Italie. C'est le cas de Carola Rackete qui incarne désormais l’une des figures mondiales de défense des migrants. La jeune capitaine allemande n’a pas hésité, plus tôt cette année, à braver l’interdit de Matteo Salvini pour faire débarquer en Italie des dizaines de migrants secourus en mer Méditerranée.

La capitaine du Sea-Watch 3 Carola Rackete  la sortie dune audience devant le parquet dAgrigente en Sicile le 18 juillet 2019 Crdit  Guglielmo Mangiapane ReutersÀ ce jour, plusieurs navires sont également toujours bloqués à quai après avoir été placés sous séquestre par la justice.

Les ONG refusent de renvoyer les migrants qu’elle secourent vers la Libye, estimant qu’il ne s’agit pas d’un port sûr en vertu de la loi maritime internationale.

Lors d’un sommet fin septembre 2019 à Malte, les ministres de l'Intérieur de France, d’Allemagne, d’Italie et de Malte se sont entendus sur un pré-accord de répartition automatique des migrants débarquant à Malte ou en Italie. Les quatre pays espèrent être rejoints par d’autres membres de l’UE dans les prochains mois.

10/ Ces milliers de migrants entassés sur les îles grecques

Au Camp de Moria des conditions daccueil dplorables pour les migrants Crdit  ReutersEntre misère, violences, épidémie diverses et survie… le quotidien dans les camps de migrants sur les îles de la mer Égée en Grèce est une catastrophe humanitaire dont les images parfois insoutenable ont largement été relayées dans la presse ces dernières années.

Les trois camps surpeuplés des îles de Lesbos, Samos et Chios, qui abritent actuellement plus de 27 000 migrants pour une capacité totale de 4 500, seront fermés à une date qui n’a encore pas été précisée.

Pour les remplacer, des structures fermées de 5 000 places chacune, soit 15 000 places au total, seront érigées dans ces trois îles proches de la Turquie, ont indiqué les autorités grecques fin novembre 2019.

Au moins 7 500 syriens, afghans, irakiens, ou encore congolais sont installés dans des tentes en bordure de la ville de Vathy, à Samos.  Crédit : Rémi Carlier

L’intox de “l’invasion” de migrants

La décennie qui s’est écoulée sera aussi celle des “fake news” et la crise migratoire aura été particulièrement prisée par ceux qui les relaient. Cette série de photos (ci-dessous) a, par exemple, été la plus utilisée pour illustrer la théorie conspirationniste du "grand remplacement", selon laquelle les migrants, originaires du Maghreb ou d’Afrique subsaharienne, sont en train de venir "remplacer" les Européens, aussi bien démographiquement que culturellement et religieusement.

Ces clichés n’ont pourtant rien à voir avec l’arrivée de migrants maghrébins ou africains en Europe ces dernières années. Ils datent de 1991, lorsque des milliers d’Albanais fuyaient leur pays, en proie à des affrontements armés et des pénuries de nourriture, pour rejoindre l’Italie.

Intox invasion Archive  Les observateurs

 

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